Le chant du rossignol

La nuit dernière je me suis réveillée et j’ai constaté que je ne dormais pas. Je ne dormais plus. Et il faisait nuit. J’ai considéré les quelques heures qui restaient avant le lever du soleil avec une certaine appréhension. 

La tristesse que je ne m’autorise pas à laisser sortir pendant la journée tourbillonnait dans ma poitrine et les souvenirs de Romain jouaient à cache-cache avec les soucis que me causent les formalités et décisions qui nous incombent. La colère le disputait aux regrets, un jeu d’ombres et de lumière qui m’entraînait inéluctablement avec lui comme un torrent vers une chute d’eau vertigineuse. 

C’est alors que j’ai entendu le chant du rossignol.

Posé, maîtrisé, comme réfléchi, avec ses strophes inattendues, ravissantes. La surprise d’une invention pleine d’originalité et de fantaisie.

Immédiatement m’est apparue l’illustration d’un conte d’Oscar Wilde, celle où le rossignol se perce le cœur sur une épine de rosier pour offrir au jeune homme amoureux la rose rouge que lui réclame la jeune femme qu’il veut séduire. Pauvre oiseau idéaliste qui dans sa naïveté extrême sacrifie sa vie pour une rose qui finira dans le caniveau.

Oscar Wilde avait ce don d’écrire des histoires imbibées d’un désespoir glaçant, mais je ne suis pas Oscar Wilde. Tandis que le rossignol continuait à chanter, ignorant du tumulte d’émotions qui agitait l’être humain que je suis, j’ai oublié Oscar Wilde et je me le suis laissée bercer par ce que me disait ce petit oiseau.

J’ai compris alors pourquoi le rossignol est ce qu’il est. Pourquoi tout le monde le connaît. Pourquoi tout le monde l’aime. En plein cœur de la nuit, au moment où nous nous débattons dans nos pensées tristes, angoissées, alors qu’il n’y a rien à faire et personne pour nous tenir la main, il vient nous parler doucement de la vie qui continue, de l’aube qui va venir, et de l’indestructible beauté du monde.