Autrefois leur apparition était regardée comme un présage néfaste, aujourd’hui plutôt comme un merveilleux cadeau. Nous avons de la visite en ce moment! Mais cette visite tire à sa fin. Il s’agit de la comète Tsuchinshan-Atlas, qui est encore visible pour quelques jours dans le ciel une fois que le soleil est bien couché, à peu près au-dessus de la planète Vénus, sous la constellation d’Hercule.
J’ai eu la chance de la voir au cours de 3 soirées où le ciel était, une fois n’est pas coutume, à peu près dégagé au-dessus de mon village normand. Mais il fallait vraiment la chercher, et pour pouvoir la trouver il faut déjà savoir où elle est, car personnellement, j’ai été incapable de la voir à l’œil nu. Et même dans les jumelles je suis obligée de regarder un peu à côté pour que sa silhouette apparaisse. En effet lorsque je la fixe son image se forme sur une zone de la rétine qui est peu sensible – la fovéa – et je ne vois rien. En revanche dans ma vision périphérique je distingue sa longue silhouette argentée, et sa tête comme un petit point brillant.
La photo qui illustre cette chronique m’a été gentiment donnée par des gens que j’ai rencontrés, sur un petit promontoire dominant la vallée de la Sarthe, dans mon village. Venus tenter d’apercevoir la comète comme moi, équipés de téléphones performants, ils ont réussi quelques beaux clichés d’une comète cachée derrière un léger voile de brume, et qu’en réalité on ne voyait pas à l’œil nu!
Même si les journalistes, fidèles à leur conception du journalisme, entonnent tous le même refrain, répété ad nauseam, à propos de «la comète du siècle», je tiens donc à rassurer ceux qui n’ont pas réussi à la voir et qui seraient impressionnés par la photo que je publie: cette comète est franchement difficile à apercevoir, elle est loin d’être aussi brillante que celle de 1997, la comète Hale-Bopp. Si Tsuchinshan-Atlas est «la comète du siècle» alors Hale-Bopp était la comète du millénaire! Mais même pas… Il y en a eu de bien plus spectaculaires encore, au cours du 20ème siècle. Et je suis sûre que le 21ème siècle en verra d’autres bien plus belles que Tsuchinshan-Atlas.
La comète Hale-Bopp avait été une surprise pour tout le monde. Lorsque la nuit tombait et que le ciel commençait à s’assombrir, la première chose que l’on apercevait était la comète Hale-Bopp. On n’avait pas besoin d’attendre la nuit noire pour la voir. Elle était plus brillante que Vénus. Elle était absolument magnifique.
En plus d’être rares, les comètes sont imprévisibles, cela rajoute à leur beauté.
D’après ce que j’ai compris, les comètes sont des petits astres composés essentiellement de poussière de roche et de glaces, qui gravitent aux confins de notre système solaire, dans une zone sphérique que l’on appelle le nuage de Oort, où elles tournent tranquillement jusqu’à ce qu’un cataclysme stellaire quelconque les projette hors de leur petit nuage. Dès lors elles tombent vers le soleil en traversant toute l’épaisseur de notre système planétaire et arrivent à proximité de notre étoile avant de repartir, telles des boomerangs, vers leur orbite d’origine.
Ainsi pendant une partie de leur voyage, les comètes s’approchent du soleil, puis s’en éloignent considérablement, contrairement aux planètes qui ont aussi des orbites elliptiques mais beaucoup moins allongées, presque circulaires. Lorsque la terre tourne autour du soleil (en une année terrestre), à certains moments elle est plus proche du Soleil qu’à d’autres, mais la différence est minime. En revanche les comètes passent au cours de leur voyage très près du soleil, pour s’en éloigner ensuite et aller au-delà de l’orbite de la plus lointaine planète. En conséquence leur voyage autour du Soleil dure généralement plus longtemps que celui des planètes, en tout cas beaucoup plus longtemps que celui de notre planète la Terre.
Lorsque les comètes reviennent à des intervalles de moins de 200 ans, elles sont appelées comètes «périodiques», et on peut donc savoir à quel moment elles vont revenir. Mais elles ne sont en général pas très brillantes! La plus connue d’entre elles est la comète de Halley, qui revient tous les 76 ans. C’est celle qu’on aperçoit « une fois dans sa vie ». Elle est passée en 1986 et reviendra en 2061. Mais la comète de Halley n’est pas très spectaculaire. En réalité elle est difficile à voir, et en 1986, même si j’étais déjà passionnée par l’astronomie, je n’ai pas réussi à la voir.
La raison pour laquelle elle est plutôt petite est directement liée à la fréquence de son passage près du soleil, puisque à chaque fois qu’elle y passe la comète perd une partie de sa matière: la glace pulvérisée par l’énergie des rayons solaires est éjectée de la comète avec une partie de la poussière de roche et le tout forme la fameuse queue de la comète: un nuage de particules et de vapeur éclairé par le soleil. Cette queue est si légère que le vent solaire suffit à la faire se diriger toujours dans la direction opposée du soleil, ce qui fait que lorsqu’elle s’approche du soleil la comète semble traîner sa queue derrière elle, en revanche lorsqu’elle s’en éloigne sa queue la précède. (Et je me garderai bien de tout commentaire coquin à ce propos, ce n’est pas le genre des chroniques de la Petite Terre !). Le corollaire de cela c’est que plus une comète revient fréquemment plus elle est petite et finalement difficile à voir.
Et donc les comètes les plus belles sont les comètes que l’on n’attend pas, parce que la dernière fois qu’elles sont passées près de notre planète, nous n’étions pas là, en tant qu’espèce, pour la remarquer. Par exemple la grande comète de 1910, qui était tellement brillante qu’elle fut, pendant quelques jours, visible à l’œil nu en plein jour, reviendra, si les calculs des astronomes sont bons, dans 4,1 petits millions d’années.
Les plus belles comètes sont donc totalement imprévisibles. Et c’est dans le fond ce qui est le plus beau avec les comètes.
Je n’imaginais pas voir un jour une comète aussi belle que la comète de Hale-Bopp, surtout après avoir «raté» la comète de Halley. Lorsque Hale-Bopp a été aperçue au départ rien ne permettait de prévoir à quel point elle ornerait nos ciels, à quel point elle serait brillante, à quel point elle serait belle, et pourtant elle était là, et nous l’avons vue, contemplée, pendant des semaines, sans même avoir besoin d’un instrument, sans devoir la chercher. Elle était là. Il y avait un astre de plus dans notre ciel.
J’ai beaucoup d’admiration pour les astronomes qui peuvent prévoir avec précision, des années à l’avance, le trajet du cône d’ombre sur la Terre lors d’une éclipse de soleil, avec le minutage exact de son passage, la durée de la totalité, etc. Cet incroyable savoir-faire m’a permis en avril dernier d’aller contempler l’éclipse de soleil depuis le sud de l’île de Montréal, comme l’ont fait des centaines de milliers de personnes à travers l’Amérique du Nord, qui sont venues se masser sur le passage de ce cône d’ombre et contempler ensemble l’éclipse. Un phénomène spectaculaire, proprement surréaliste, qui nous donnait l’impression d’avoir changé d’espace ou de temps. Et quelle belle fraternité entre ces gens qui venaient de voir l’éclipse, quels sourires radieux, quelle joie!
Mais il me plaît aussi de savoir qu’aucun astronome, aussi bon soit-il, ne pourra prévoir la prochaine comète, la prochaine magnifique comète qui brillera plus que n’importe quel astre dans le ciel et qui sera, pour tous ceux qui prennent le temps de regarder le ciel, comme un cadeau royal, d’autant plus apprécié qu’il sera totalement inattendu.